Culture

Genève a un incroyable talent #19 – Marianne Herjean

L’art fait fondre la lenteur des heures, brise la mer gelée en nous. Et ce n’est rien que pour assouvir vos moindres désirs culturels et artistiques, pour désamorcer – plus que jamais – la noirceur du monde par la poésie, par la beauté du partage et de la découverte.

Artiste-peintre, paysagiste et professeure de dessin, Marianne Herjean investigue et élargit le champ des possibles en entremêlant ses deux passions : le paysage, son interprétation graphique et les arts visuels. Elle constitue ainsi un terreau de travail créateur en constante mouvance : poétique et voyageur.

Cette jeune et fascinante artiste, diplômée de l’école du paysage de Versailles en 2015, réside à Genève où elle nous interroge sur le langage et ses échos sensoriels, tout en nous proposant des vrais voyages immobiles à travers ses créations inspirées de la nature et de ses résonnances dans nos sens. Son regard nous fait danser, céleste et évanescent. Il nous guide vers l’essentiel : c’est-à-dire, l’émotion.

 

Est-ce que, selon vous, l’art est la meilleure façon de réaliser des voyages immobiles ?

C’est précisément cette tension qui m’intéresse: quand le mouvement continu (celui de peindre, celui de danser…) soutient une extrême concentration. Je me sens portée. L’écoute passe par mon corps. L’écoute en feignant l’immobilité m’amène à ma propre création.

 

Vos images sont aussi une invitation au partage poétique. En les découvrant, j’ai pensé au poète Fernando Pessoa,qui nous invitait à parcourir le monde sans quitter les bords de sa fenêtre. Quel est le rôle de la poésie dans votre vie, Marianne ?

J’aime la poésie amoureuse de Djalal ad-Dîn Rumi, Louis Aragon, Andrée Chédid ou encore de Rabindranah Tagore. J’aime la lire à haute voix pour mieux l’entendre. Je suis tentée de croire qu’il n’y a pas de différences entre les traces du peintre et les mots du poète. On compose chacun quelque chose à partir du silence pour l’offrir au monde.

 

Vous travaillez sur différents supports et utilisez différents matériaux pour exprimer la réalité que vous percevez. La poésie semble prendre une énorme place dans vos démarches artistiques: l’idée d’écrire un recueil de poèmes vous tente également ?

Je ne crois pas. Un temps d’observation précède toujours ma pratique de la peinture. Je me pose devant l’œuvre, j’observe et souvent, j’écris quelques mots, c’est simple ; cailloux, planète, écho, corps… Je ne définis pas cela de poésie. J’aimerais être moins bavarde, que mes peintures se suffisent à elle-même.

 

Vous organisez différents ateliers pratiques qui confrontent vos étudiant.e.s et dessinateur.ices au paysage pour mieux l’appréhender. Comment cela se passe ?

Sur un itinéraire, un temps et une question prédéfinie, je propose d’accompagner un petit groupe pour une initiation au dessin par la pratique du carnet de voyage. Le paysage soulage, soutient, nourri l’esprit. Il est là tout le temps. Le dessiner, c’est juste le reconnaître, en profiter, jouer avec lui. C’est très réjouissant.

 

La peinture et le paysagisme se nourrissent mutuellement dans votre travail ?

J’aime le « In situ ». Lorsque je me confronte à la réalité du paysage. Il soutient ma pratique artistique. Dessiner, c’est recueillir. De retour en atelier, je découvre, développe et m’autorise une forme d’abstraction. J’ai étudié à l’école du paysage de Versailles (2011-2015) où j’ai reçu un enseignement puissant, en particulier sur “la lecture” de paysage. Puis j’ai commencé à peindre en Chine (2016), j’étais fascinée par les gestes de peindre, ce qu’ils engageaient du corps pour faire trace. Fabienne Verdier dit « j’ai découvert qu’en quelques traits, on pouvait partir dans l’ossature du monde ». C’est magique, non ?

 

Vous êtes également professeure de dessin. Comment l’enseignement se glisse-t-il dans votre production artistique ? Est-il aussi source d’inspiration pour vous ? 

C’est assez autonome. J’aime me mettre au service de mes étudiants. Je crois que chacun possède son propre rapport graphique au réel et que lorsqu’on le développe, on peut y trouver des outils d’expansion de soi-même. Je suis heureuse de pouvoir humblement accompagner parfois ces processus. J’ai lu il n’y a pas longtemps que « on transmet ce que l’on a à apprendre »; mes étudiants me le rappelle sans cesse. Rester dans une posture d’apprenti est selon moi indispensable pour pouvoir recevoir quoi que ce soit.

 

J’ai pu découvrir votre travail, dont il est question du vivant et de sa façon d’habiter le monde, sur votre compte Instagram. Comment les réseaux sociaux s’insèrent-ils dans votre art? 

Mon dernier vernissage s’est terminé à cinq heures du matin. Alors oui, les réseaux sociaux sont des outils de communication très pratiques, mais rien ne remplace le réel : sa confrontation, ces surprises, son partage, l’« être ensemble ». La célébration d’un espace d’exposition est peut-être à redéfinir. J’aimerais qu’on puisse y être plus libre, que l’on puisse danser, chanter et même dormir avec les œuvres.

 

Vous résidez à Genève. Comment la ville prend place dans vos démarches artistiques et humaines, Mariane Herjean ? Une ballade enchanteresse dans les paysages poétiques de Genève à nous proposer…

La transparence du Rhône, la ligne de crête enneigée du Jura, la face rougeâtre du Salève au coucher de soleil, les Alpes au loin, le feu aux bains des Pâquis, des arbres encore des arbres, un torrent en pleine ville. L’été qui revient toujours et des ami.e.s, je suis très heureuse et inspirée de vivre à Genève.

 

Immergez-vous dans l’univers artistique délicat et poétique de Marianne Herjean. Laissez-vous porter par ses images contemplatives et envoûtantes, et découvrez un nouvel incroyable talent genevois : www.marianneherjean.com.

 

Flávio D. – Reporter chez Color my Geneva – Tous droits réservés

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