Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux
avec Léa Drucker, Grégoire Bonnet, Alain Chabat, Benoit Magimel et Anaïs Demoustier
Sortie en Suisse : 15 juin 2022
Alain (Alain Chabat) et Marie (Léa Drucker) forment un couple sans histoire. Un jour, ils visitent un pavillon à vendre. L’agent immobilier est formel : la maison cache dans sa cave une trappe particulière qui va changer leur vie. Ils l’achètent, y emménagent… et tout va être différent. Parallèlement, ils réalisent que Gérard (Benoit Magimel) le patron et ami d’Alain habite dans le même quartier avec sa jeune compagne Jeanne (Anaïs Demoustier). Au cours d’un dîner improvisé, ces derniers leur révèlent leur secret…
Certains d’entre vous s’en souviendront peut-être : « Incroyable mais vrai » était le nom d’une émission française présentée par l’animateur Jacques Martin de 1981 à 1983. Elle rencontra un énorme succès et son concept fut repris de 2002 à 2007 sur TF1. L’objectif était de raconter des histoires tellement hors normes que les spectateurs doutaient de leur véracité. Ce n’est donc pas un hasard si le réalisateur Quentin Dupieux a utilisé cette expression comme titre de son nouveau film.
C’est le neuvième opus de cet ancien musicien connu sous le nom de Mr Oizo. Film après films (Mandibules, le Daim) le réalisateur iconoclaste nous a habitué aux récits décalés, absurdes… mais qui portent du sens et dénoncent des obsessions de notre société.
Ce nouveau film ne fait pas exception.
Car ce qui arrive à chacun des couples est effectivement… incroyable mais vrai.
Le film commence en décrivant la vie d’un couple banal : Alain gère le stress du travail d’assureur en jouant à des jeux vidéo sur son ordinateur lorsque sa compagne l’appelle pour visiter une maison. La révélation de l’agent immobilier change le ton et donne l’illusion que la suite de l’histoire va nous transporter dans l’univers du fantastique. Mais peu à peu, le propos de Quentin Dupieux évolue et nous surprend : il change son fusil d’épaule et devient plus grave avec des personnages de plus en plus décalés. Alain Chabat est parfait en époux solide mais dépassé tandis que Léa Drucker s’éloigne peu à peu du réel avec une parfaite constance. Le personnage plus trivial campé par Benoit Magimel s’interroge sur sa virilité tandis que sa compagne, vendeuse de lingerie, ne semble pas soucieuse du sujet. A ce titre, il est le parfait miroir de Léa mais en masculin. Quentin Dupieux nous offre ainsi une réflexion subtile sur la représentation de la féminité et de la masculinité, le rapport au temps qui passe, la vieillesse et l’éventuelle illusion de pouvoir influer sur ses choix de vie.
La comédie vire alors au tragique et la fin, inéluctable, déroute et s’accélère au rythme d’une musique primesautière… Avec raison, Quentin Dupieux a exhumé des oeuvres de Jean-Sebastien Bach revisités par le musicien Jon Santo au synthé. Le morceau date de 1976, n’a pas pris une ride et contrebalance un propos plus grave.
Quentin Dupieux s’amuse aussi avec nos références et nous offre un film à découvertes. Léa Drucker est un personnage de conte : une Alice qui tombe dans un trou sans fin à la recherche de son pays des merveilles et une reine qui scrute avec anxiété son miroir… Tout au long du film, il fait également appel à la symbolique des fourmis du peintre catalan Dali : comme dans Incroyable mais vrai, leur présence dans ses peintures ou ses sculptures montre l’impact du temps sur notre corps et sa décomposition inéluctable. Enfin la dernière image fait clairement référence à une scène du film Un chien andalou du réalisateur espagnol Luis Bunuel.
Que les insatiables se rassurent : le prochain film de Quentin Dupieux est déjà tourné et a été présenté « en séance de minuit » au dernier festival de Cannes. Il s’agit de Fumer fait tousser avec Gilles Lellouche, Vincent Lacoste et Anaïs Demoustier.
Virginie Hours – reporter pour Color my Geneva, tout droit réservé