Culture, Loisirs

Au cinéma : à chacun sa « voie royale »

Sophie excelle en mathématique. Sur les conseils de son professeur, elle décide de quitter la ferme de ses parents et entre en classe préparatoire scientifique, « voie royale » pour intégrer les écoles françaises les plus prestigieuses comme Polytechnique. Là, elle découvre un autre monde, à la fois intellectuel et social.

« La Voie royale » de Frédéric Mermoud

avec Suzanne Jouannet, Marie Colomb, Maud Wyler

Date de sortie en Suisse romande : 13 septembre

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Le premier atout du film « La voie royale » est de lever un coin du voile sur le monde des « prépas » (diminutif des « classes préparatoires » qui préparent aux concours des grandes écoles françaises), censées former une partie de l’élite de la France.

Les prépas, Frédéric Mermoud connait un peu puisque son propre fils est en train d’en faire une. C’est pourquoi, il a su intelligemment s’entourer de très bons connaisseurs pour coller au plus près äà la réalité. Mon voisin de fauteuil, ancien élève d’une prépa lyonnaise, trouvait ainsi que l’ambiance du bizutage, des colles, de la prise de conscience de l’existence de certains extra-terrestres (très bien campés dans le film par Marie Colomb dans le rôle d’Alice) et de ses propres limites étaient bien retranscrits. Les cours de physique nous plongent dans une 3ème dimension et la solidarité qui règne dans ces classes est bien traduite. Par ailleurs, Maud Wyler est parfaite dans le rôle de l’enseignante cassante et exigeante, préoccupée aussi par la rivalité entre classes préparatoires. Aujourd’hui, cette « voie royale » fait moins rêver les doués en mathématique ; ils cherchent d’autres lieux où réussir (et s’épanouir), à commencer par les EPF (L’EPFL étant parfois surnommée “l’Ecole Polytechnique Française de Lausanne” par certains humoristes). Le film de Frédéric Mermoud s’en fait l’écho et évite ainsi l’écueil d’un scénario à la Walt Disney trop prévisible.

Le film vaut aussi pour ses acteurs. Suzanne Jouanet (Sophie) porte parfaitement le film sur ses épaules. Sa moue et ses grands yeux font merveilles au fur et à mesure qu’elle découvre un monde qui la dépasse, le monde scientifique. Frédéric Mernoud a voulu aussi qu’elle incarne la figure du transclasse ; il montre que le système français, même si l’ascenseur social est à un niveau historiquement bas, peut fonctionner et que la reproduction des élites est due notamment à une meilleure connaissance des filières possibles. Combien d’élèves doivent leur réussite à un.e professeur.e  qui a détecté leur potentiel et les a incités à s’inscrire alors qu’ils n’avaient jamais entendu parler de « prépa » ?

Pour éviter l’aspect « documentaire », Frédéric Mermoud a voulu insérer dans son histoire une éducation sentimentale malgré l’adage « prépa maquée, prépa ratée ». Elle reflète l’immaturité de Sophie, celle-ci passant d’une fascination malsaine pour Alice (Marie Colomb) à un besoin de soutien avec Hadrien avant de découvrir et de développer ses propres ressources. On assiste également à sa prise de conscience politique. Elle réalise qu’à travers ses études, elle peut aussi lutter contre les aberrations d’un système qui maltraite ses parents éleveurs ; si son frère choisit les manifestations et la violence, elle comprend qu’elle peut prendre sa part d’une autre manière, en luttant de l’intérieur
.

C’est peut-être la morale d’un film qui, malgré quelques maladresses, est attachant et très instructif.

Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés

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